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· Restauration

7 questions à la chef Marie-Chantal Lepage

crédit photo: Allison Van Rassel
crédit photo: Allison Van Rassel

Qui sont les acteurs de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme? Qu'est-ce qui les fait vibrer, comment perçoivent-ils leur métier et comment se démarquent-ils? Pour inaugurer cette série d'entrevues, Hotelleriejobs.com s'est entretenu avec Marie-Chantal Lepage, réputée chef qui a pris d'assaut le restaurant du Musée national des beaux-arts du Québec le 1er avril dernier.   

 

1. Marie-Chantal Lepage, comment êtes-vous devenue chef?

 

«J'ai commencé à travailler dans une cuisine en 1982, par erreur. C'était un job temporaire, car je voulais devenir vétérinaire. C'est l'emploi que j'ai réussi à obtenir le plus rapidement, mais c'était difficile parce que je suis une fille et qu'à cette époque, il y en avait très peu dans ce milieu. Je détestais ça à mort, mais j'ai continué pendant deux ans. Quand je suis arrivée à Québec, j'ai donné mon nom à Serge Bruyère. C'est lui qui m'a transmis le gout de la cuisine. Il disait que j'avais du talent, que je pourrais réussir. Qu'il m'ait dit ces choses-là alors que c'était un métier d'hommes, ça m'a donné du mordant!»

 

2. Selon vous, est-il nécessaire de suivre une formation académique?

 

«Je suis autodidacte, je n'ai pas eu de cours de cuisine et grâce à [Serge Bruyère], j'ai pu faire la carrière que je fais aujourd'hui. Lorsque des candidats viennent me voir sans avoir suivi de cours de cuisine, j'ai tendance à les embaucher tout de suite. Quand tu n'as pas de cours, il faut que tu te prouves encore plus et il faut vraiment que tu aies de la volonté pour réussir. C'est sûr que les cours ça aide, on ne peut pas le cacher. Mais ce n'est pas parce que tu n'as pas suivi de cours que tu n'as pas de talent et que tu n'as pas ta place dans le métier.

 

Je trouve ça épouvantable à quel point il n'y a plus de cuisiniers aujourd'hui. Les jeunes sont passionnés, ils écoutent Les Chefs! et d'autres émissions sur Food Network. Mais souvent, ils vont à l'école et ensuite abandonnent le métier très rapidement parce que ce n'est pas la même réalité à l'école que dans nos établissements. Je pense que les cours théoriques devraient être enseignés le matin, alors que l'après-midi et le soir, les étudiants devraient venir dans nos restaurants. Ils sauraient aussitôt quelle est la réalité et ça règlerait probablement le problème de pénurie de cuisiniers. En même temps, ceux qui ne sont vraiment pas faits pour ça le constateraient tout de suite.»

 

3. Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir chef?

 

«Ce n'est pas un métier facile dans le sens où on travaille beaucoup, on a des gros rush, et ça ne se passe pas toujours bien, même pour le plus grand étoilé du monde. Il y a des services plus difficiles et les horaires sont exigeants. Il faut beaucoup de persévérance, avoir la foi, être capable de supporter la pression et ne jamais abandonner. Lorsque je donne des conférences dans les écoles, je dis aux jeunes qu'ils n'ont pas choisi un métier facile, mais que c'est le plus beau du monde. Il faut y mettre du coeur et aimer travailler.»

 

4. Qu'est-ce qui vous fait vibrer dans votre métier?

 

«Je suis une passionnée des produits et des gouts. Je peux tomber en amour avec une tomate ou une nouvelle herbe... Je trouve que je fais un métier extraordinaire, car on rend les gens heureux. Manger, boire du bon vin, être avec des amis, c'est un peu ça la vie! Je suis très comblée par le métier qui m'a accueillie, car ce n'est pas moi qui l'ai choisi. On dirait que c'est lui qui m'a agrippée. J'ai été chanceuse, j'ai eu de belles reconnaissances de mes pairs.»

 

 

5. Le milieu de la cuisine est-il encore à domination masculine, comme à vos débuts?

 

«Souvent, on pense que c'est encore un métier d'hommes, mais quand on entre dans les cuisines des grands restaurants, il y a plein de filles, donc c'est plus facile aujourd'hui. Très peu deviennent chef parce que c'est dur de conjuguer le travail et la famille et les horaires sont difficiles. Cependant, il y en a de plus en plus. Pour ma part, je ne pense pas que si j'avais fait le choix d'avoir des enfants, j'aurais pu me rendre où je suis maintenant.»

 

6. Quel est le plus grand accomplissement de votre carrière jusqu'à maintenant?

 

«Depuis quelques années, je me suis intéressée à faire graduer des jeunes qui entrent dans ma cuisine. Comme Serge Bruyère l'a fait, je donne au suivant. Je prends des jeunes talentueux, comme celui de 20 ans qui travaille avec moi actuellement et que je propulse, que je mets devant moi. J'essaie de lui donner tous les atouts qu'un chef a besoin pour réussir. Entre le chef de 1980 et le chef d'aujourd'hui, il y a une grande différence. Désormais, le chef doit évidemment bien cuisiner, mais aussi avoir du charisme et être capable de bien parler aux clients. Je m'occupe beaucoup de la relève et si je pouvais réussir à en propulser quelques-uns d'ici la fin de ma carrière, je serais une femme comblée.»

 

7. Quels conseils donneriez-vous à un aspirant chef?

 

«Lorsque quelqu'un veut faire application chez nous et qu'il arrive avec le dos courbé, sans poignée de main, je ne suis pas capable! J'ai besoin d'une personne qui a du chien, qui donne un bon service. Quand tu es déterminé et que tu as la passion, tu peux aller loin. Tu fais des erreurs, oui, mais elles t'amènent vers autre chose et peuvent t'ouvrir des portes. Je dis souvent à mes employés à la blague qu'il faut avoir la foi. Il faut garder la tête haute et foncer.»

Marie-Anne Dayé - Blogueuse Hotelleriejobs

«Marie-Anne Dayé est journaliste indépendante depuis près de deux ans. Lors d'un séjour en France, elle a écrit pour des médias tels que Rue89, Courrier International et l'Agence France-Presse. À son retour à Québec, elle a travaillé au journal Le Soleil et pige aujourd'hui pour divers magazines. On peut aussi la surprendre en train de nous servir un café, car elle est aussi barista!»