LA BOULANGERIE DE L’OMBRE

Sa boulangerie desservait hôtels et restaurants. Forcé de fermer, Karim Medjed semblait condamné au pain sec et à l’eau. Mais pétri de créativité, il a eu la vision d’un hamburger multi-entreprises…
Dépité, Karim Medjed avait perdu un pain de sa fournée, comme le veut la goûteuse expression québécoise. En fait, il avait perdu toutes ses fournées.
Quand la crise que l’on sait a frappé, il a été forcé de fermer sa boulangerie et de mettre à pied sa vingtaine d’employés. « J’ai perdu 100 % de mon chiffre d’affaires », déplore-t-il.
Située à LaSalle, Grand Artisan inc. se spécialise dans la fabrication de pains burgers pour la restauration et l’hôtellerie. Sa principale marque de commerce, Mie Ame, n’est connue que des initiés.
« Pour le grand public, on est une boulangerie de l’ombre », décrit-il joliment.
Lui-même est un cryptoboulanger : « J’ai un bac en marketing-finance et une maîtrise en droit fiscal », confesse-t-il.
Mais originaire de Lyon, il était attiré par la bouffe, allez savoir pourquoi. Fondée en 2008, sa boulangerie s’est peu à peu concentrée sur les pains à burger.
Il n’a pas hésité à mettre lui-même la main à la pâte. « C’est moi à l’interne qui développe toutes les recettes, assure-t-il. Les pains burgers, on en fait aux pommes de terre, aux épices à steak de Montréal, on fait des pains fumés, briochés, véganes, des pains bretzels, des pains noirs… »
En somme, il s’est créé sa miche, oserait-on dire.
LA RECETTE DU PAIN PERDU
Les fournisseurs comme Grand Artisan font affaire avec des grossistes auprès desquels « le restaurateur fait son épicerie », explique Karim Medjed.
« Avec la crise actuelle, on se retrouve tous un peu le bec dans l’eau – distributeurs, PME, restaurateurs. Tout le circuit se retrouve paralysé. » - Karim Medjed
La corona-saloperie a fait ses ravages au pire moment.
Sa femme, en congé de maternité sans solde, aurait dû reprendre le travail en mars. Elle était elle aussi privée de revenu. « J’étais mûr pour aller me chercher un travail en entrepôt », évoque-t-il.
Pour sauver celui de ses employés, il s’est plutôt donné le défi de trouver un débouché temporaire pour ses produits. Mais « comment vendre une marque que tout le monde consomme, mais que personne ne connaît » ?
Il ne le cache pas, la réponse s’est inspirée de Marché Goodfood. Les temps sont propices au « comfort food », au « junk », « on peut l’appeler comme on veut », bref, au réconfortant hamburger de restaurant. Il s’agissait de le reconstituer d’abord, de l’apporter aux confinés ensuite.
Dès le 23 mars, il s’est mis à la tâche.
« J’ai appelé Patrick, chez les frites Saint-Arneault. Robert, à la fromagerie St-Guillaume. » Et Sylvie, chez le courtier que Grand Artisan partage avec les viandes Cardinal.
Eux aussi avaient vu baisser dramatiquement leur chiffre d’affaires.
« Je leur ai exposé : “Écoutez, je pense qu’on est dans la même situation. Est-ce que ça vous tenterait de vous lancer dans l’aventure avec moi ?” »
Son projet était alléchant. « Les clients vont pouvoir passer une commande sur internet et recevoir, le lendemain, une boîte dans laquelle il va y avoir quatre pains briochés, quatre boulettes de viande précuites, les frites, la sauce et le fromage à poutine, les sauces pour les burgers, la tomate, la laitue – tout le kit pour se faire un bon burger du restaurant à la maison. »
Mais il fallait faire vite. « C’est une course contre la montre. Plus vous attendez, plus l’horizon se détache. La trésorerie n’est pas éternelle. »
Un chef de sa connaissance, sans travail lui aussi, a composé une sauce à hamburger. Livrapide Transport, de LaSalle, se chargerait de la livraison à domicile. Un de ses employés, rompu à l’informatique, s’est attaqué au site internet transactionnel.
« Le plus difficile, dit-il, ç’a été de trouver le logo, et ensuite de faire fabriquer les boîtes. » Les Emballages Box Pack, de Saint-Germain-de-Grantham, s’en sont chargés.
Entre les deux pains, tous les ingrédients sont tombés en place.
« Tout s’est fait par téléphone ! », insiste Karim Medjed. « Ça a pris 15 jours ! »
Le site BRGRBOX.CA devrait être fonctionnel vers le 8 avril.
Dépité, Karim Medjed avait perdu un pain de sa fournée, comme le veut la goûteuse expression québécoise. En fait, il avait perdu toutes ses fournées.
Quand la crise que l’on sait a frappé, il a été forcé de fermer sa boulangerie et de mettre à pied sa vingtaine d’employés. « J’ai perdu 100 % de mon chiffre d’affaires », déplore-t-il.
Située à LaSalle, Grand Artisan inc. se spécialise dans la fabrication de pains burgers pour la restauration et l’hôtellerie. Sa principale marque de commerce, Mie Ame, n’est connue que des initiés.
« Pour le grand public, on est une boulangerie de l’ombre », décrit-il joliment.
Lui-même est un cryptoboulanger : « J’ai un bac en marketing-finance et une maîtrise en droit fiscal », confesse-t-il.
Mais originaire de Lyon, il était attiré par la bouffe, allez savoir pourquoi. Fondée en 2008, sa boulangerie s’est peu à peu concentrée sur les pains à burger.
Il n’a pas hésité à mettre lui-même la main à la pâte. « C’est moi à l’interne qui développe toutes les recettes, assure-t-il. Les pains burgers, on en fait aux pommes de terre, aux épices à steak de Montréal, on fait des pains fumés, briochés, véganes, des pains bretzels, des pains noirs… »
En somme, il s’est créé sa miche, oserait-on dire.
LA RECETTE DU PAIN PERDU
Les fournisseurs comme Grand Artisan font affaire avec des grossistes auprès desquels « le restaurateur fait son épicerie », explique Karim Medjed.
« Avec la crise actuelle, on se retrouve tous un peu le bec dans l’eau – distributeurs, PME, restaurateurs. Tout le circuit se retrouve paralysé. » - Karim Medjed
La corona-saloperie a fait ses ravages au pire moment.
Sa femme, en congé de maternité sans solde, aurait dû reprendre le travail en mars. Elle était elle aussi privée de revenu. « J’étais mûr pour aller me chercher un travail en entrepôt », évoque-t-il.
Pour sauver celui de ses employés, il s’est plutôt donné le défi de trouver un débouché temporaire pour ses produits. Mais « comment vendre une marque que tout le monde consomme, mais que personne ne connaît » ?
Il ne le cache pas, la réponse s’est inspirée de Marché Goodfood. Les temps sont propices au « comfort food », au « junk », « on peut l’appeler comme on veut », bref, au réconfortant hamburger de restaurant. Il s’agissait de le reconstituer d’abord, de l’apporter aux confinés ensuite.
Dès le 23 mars, il s’est mis à la tâche.
« J’ai appelé Patrick, chez les frites Saint-Arneault. Robert, à la fromagerie St-Guillaume. » Et Sylvie, chez le courtier que Grand Artisan partage avec les viandes Cardinal.
Eux aussi avaient vu baisser dramatiquement leur chiffre d’affaires.
« Je leur ai exposé : “Écoutez, je pense qu’on est dans la même situation. Est-ce que ça vous tenterait de vous lancer dans l’aventure avec moi ?” »
Son projet était alléchant. « Les clients vont pouvoir passer une commande sur internet et recevoir, le lendemain, une boîte dans laquelle il va y avoir quatre pains briochés, quatre boulettes de viande précuites, les frites, la sauce et le fromage à poutine, les sauces pour les burgers, la tomate, la laitue – tout le kit pour se faire un bon burger du restaurant à la maison. »
Mais il fallait faire vite. « C’est une course contre la montre. Plus vous attendez, plus l’horizon se détache. La trésorerie n’est pas éternelle. »
Un chef de sa connaissance, sans travail lui aussi, a composé une sauce à hamburger. Livrapide Transport, de LaSalle, se chargerait de la livraison à domicile. Un de ses employés, rompu à l’informatique, s’est attaqué au site internet transactionnel.
« Le plus difficile, dit-il, ç’a été de trouver le logo, et ensuite de faire fabriquer les boîtes. » Les Emballages Box Pack, de Saint-Germain-de-Grantham, s’en sont chargés.
Entre les deux pains, tous les ingrédients sont tombés en place.
« Tout s’est fait par téléphone ! », insiste Karim Medjed. « Ça a pris 15 jours ! »
Le site BRGRBOX.CA devrait être fonctionnel vers le 8 avril.
« Si ça fonctionne, c’est un produit qui va rester, exprime le boulanger. Parce que c’est une opportunité aussi pour nous de nous faire connaître du grand public. De sortir de l’ombre. »
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