Le bore-out : quand s'ennuyer nuit à la santé

A l'heure où la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle se pose, un autre mal tout aussi dangereux, ne bénéficie pas de la même considération : le bore-out.
Un mal répandu mais tabou
Le terme de bore-out est apparu pour la première fois en 2007 dans Diagnose Boreout, un ouvrage écrit par Peter Werder et Philippe Rothlin, deux consultants d'affaires suisses. Pour les auteurs, le bore-out peut se définir comme un trouble psychologique engendré par l'ennui au travail. L'ennui peut être lié au manque de travail mais aussi au déficit de stimulation ou à la monotonie des tâches à effectuer.
A l'heure du chômage de masse, se tourner les pouces au travail est vu par beaucoup comme un privilège. Pourtant, l'ennui est aussi dangereux que le surmenage. "Il ne faut pas prendre le bore-out à la légère", explique le docteur Philippe-Georges Dabon, spécialiste de la santé au travail. "L'ennui dans la vie professionnelle, s'il est quotidien, peut conduire à la dépression, à des crises d'angoisse, à une perte progressive du sommeil ou à des maladies cardiovasculaires", développe le spécialiste.
Le bore-out serait plus répandu qu'on ne pourrait le croire. Dans un article publié en 2011 dans la Revue internationale de psychologie, les chercheurs Christian Bourion et Stéphane Trebucq estiment que cette maladie toucherait à une échelle diverse un tiers des salariés des pays occidentaux. "Je n'ai pas de chiffres exacts sur le sujet, mais je peux vous dire que je soigne pratiquement autant de patients qui souffrent de burn-out que de bore-out", confirme le docteur Dabon.
Si ce mal est si fréquent, pourquoi est-il si peu médiatisé ? Pour le docteur Dabon, la raison est simple : "A l'heure du chômage de masse et du culte de la productivité, il est peu valorisant de dire que l'on est malade d'ennui sur son lieu de travail. Dire que l'on souffre de burn-out est bien plus acceptable socialement".
Fonctionnaires et salariés du tertiaire en première ligne
Nul n'est épargné par le bore-out. Toutefois, certaines catégories professionnelles sont plus touchées que d'autres.
Pour la psychologue du travail et coach certifié Sabine Grégoire, "les fonctionnaires sont surreprésentés dans les patients souffrant de bore-out. Beaucoup ont l'impression d'être sous employés, de n'avoir aucune prise sur la réalité, de ne pas pouvoir travailler à la mesure de leur talent. Ainsi, le bore-out est très répandu chez les personnes très diplômées qui occupent des postes de catégorie B".
Philippe Georges-Dabon confirme les propos de la psychologue : "Le bore-out est très présent dans tous les échelons de la fonction publique. Plus qu'ailleurs, les promotions internes sont rares, les tâches sont cloisonnées et monotones. Dans certains services, le sureffectif est tel qu'il n'y a tout simplement pas de travail pour tous".
Dans le secteur tertiaire, le bore-out est également répandu. Mais pas forcément à tous les niveaux. Le docteur Dabon le remarque au quotidien : "Dans le monde de l'entreprise, je constate une surreprésentation de salariés et d'agents de maîtrise qui occupent des tâches peu valorisantes, cloisonnées et sans perspectives d'avenir".
"Le bore-out se développe particulièrement lorsque notre métier est mono-tâche, que l'on a le sentiment de ne pas avoir de reconnaissance, de stimulation intellectuelle ou morale. Par exemple les agents de sécurité cantonnés à la porte des magasins sont très touchés par le bore-out. Ils sont dans un coin, personne ne leur dit bonjour, ils se contentent de regarder ce qui se passe. Mais attention à ne pas généraliser. Un cadre peut-être mis au placard, ne rien avoir à faire jusqu'à en tomber malade", soutient Sabine Grégoire.
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