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Guide en tourisme d’aventure : un côté nature et un côté givré

Après s’être gelé les pieds lors d’une nuit de camping d’hiver, Jacob Racine a décidé de devenir guide en tourisme d’aventure. (?!) Pour exercer ce métier, il faut sans aucun doute aimer les défis et les sensations fortes (ou froides)! Vice-président de l’Association des guides professionnels en tourisme d’aventure (AGPTA), formateur, consultant et conférencier, il nous partage sa passion pour le plein air et les gens, mais aussi ses aspirations quant à l’avenir du métier de guide. Entrevue.

 

À quel moment as-tu réalisé que tu étais fait pour être guide en tourisme d’aventure? 

 

Durant mon cursus, on pouvait choisir parmi quatre différents volets, dont le plein air. Un soir, je me suis retrouvé avec des amis à faire du bénévolat avec les scouts. C’était du camping d’hiver avec une tente prospecteur, un poêle à bois, etc. J’ai eu le plus froid de toute ma vie! J’étais sûr que j’allais mourir dans mon sac de couchage. J’étais mal préparé, j’avais mal planifié, j’avais eu chaud durant le jour, j’étais tout humide et j’ai gelé durant la nuit. Sérieusement, je ne sentais plus mes pieds au matin, j’espérais juste que le soleil se lève pour que ce calvaire finisse. Quand on s’est tous réveillés, j’ai eu un flash et je me suis rendu compte qu’au bout de ce moment pénible-là, mon corps avait commencé à s’adapter doucement. Vers la fin de la nuit, j’avais réussi à trouver des positions, on s’est collés, il y avait moyen de passer par-dessus cet inconfort pour pouvoir trouver une zone de survie temporaire. Après, je voulais tester si je pouvais passer deux nuits d’hiver sans mourir! (Rires) J’ai alors demandé à mon ami s’il voulait m’accompagner. On s’est demandé ce qui avait fait en sorte qu’on était mal préparés la première fois, quelles étaient les embûches et on a réalisé qu’après avoir éliminé certains aspects de négligence, on arrivait à passer des super nuits.

 

Qu’est-ce qui t’attires le plus dans ce métier?

 

Pour travailler en tourisme d’aventure, il faut aimer les gens. On est presque 24 heures sur 24 en contact avec les clients, on cuisine pour eux, on mange, on échange. En plus, on le fait dans un cadre incroyable. J’ai la chance de voyager partout dans le monde! C’est un métier qui est vraiment l’fun si on le fait pour les bonnes raisons. Les gens qui ont des attentes par rapport au salaire ou qui veulent faire du plein air à temps plein, à leur rythme à eux, monter des montagnes qui leur ressemblent, seront déçus. La clientèle est surtout constituée de gens plus âgés, qui veulent surtout arriver au sommet pas trop fatigués pour prendre des photos, revenir le soir et lire un bon livre. Forcément, on marche à un rythme plus lent et on va monter une plus petite montagne. Reste qu’on est payés pour être en plein air, nos clients sont en vacances, donc en général ils sont relax. J’adore ce métier-là, je le fais depuis 2000 et je vais continuer aussi longtemps que je vais pouvoir! Je vis en Gaspésie avec ma blonde et mon fils de 5 ans, donc je ne peux pas partir comme avant, soit 8 mois d’affilée. Maintenant je pars 5 ou 6 semaines et je reviens. Avec les conférences, je pars une ou deux journées de temps en temps et ça me permet d’avoir des sous pour la fin de l’année.

 

Est-ce que le salaire est suffisamment élevé pour vivre de ce métier?

 

Le salaire d’entrée est de 120$ par jour et ça peut aller jusqu’à 180 ou 200$ par jour. Le voyage et la nourriture sont inclus, on n’a pas de dépenses. Par contre, on n’est pas payé pour la journée avant le départ. Souvent, l’endroit où on coupe c’est le salaire. Je trouve ça dommage parce que ça a un effet pervers. Comme ce n’est pas très payant et pour gagner notre vie il faut travailler énormément, c’est dur sur la qualité de vie. À 20 ans, ça va, mais rendus à 28 ans, plusieurs ont envie de fonder une famille et arrêtent carrément le métier de guide. Il y a toujours des nouveaux guides avec peu d’expérience qui ne sont pas payés cher et de l’autre côté les clients ont des attentes assez élevées parce qu’ils ont déboursé 2000$ ou 3000$ pour ce séjour. En tant que guides, on a beaucoup de pression par rapport aux attentes du client.

                                                                                 

À quoi ressemble une journée de travail lors d’une excursion? (Attention, vous risquez  d’être étourdis en lisant ces lignes!)

 

On doit se lever à 4h du matin, préparer le petit déjeuner pour les clients, faire la vaisselle, préparer le diner pendant qu’eux déjeunent, déjeuner quand eux se préparent, faire des lunchs pour tout le monde, remplir son sac à dos, faire 45 minutes de route pour se rendre au site de randonnée, faire une randonnée de 8 heures avec les clients, conduire pour le retour, préparer le souper, faire la vaisselle, faire son rapport de fin de soirée et briefer la gang pour le lendemain, et le lendemain se lever de nouveau à 4h… Entre temps, on a géré les ampoules aux pieds et les insécurités en montagne. Si ça fait 4 jours qu’il pleut, tout l’équipement est trempé, il faut gérer les personnes qui sont tannées, mais il reste 12 jours de randonnée à faire! On travaille donc de 14 à 16 heures par jour pour 120$. Heureusement, le pourboire vient bonifier le salaire.

 

Est-ce qu’une certification pour être guide en tourisme d’aventure pourrait valoriser la profession?

 

Pour être guide en tourisme d’aventure, il ne faut pas avoir une certification quelconque. Il suffit d’avoir une passion pour le plein air, de démontrer un peu d’expérience en gestion de groupe, d’avoir au moins un cours de premiers soins en région isolée de 16 heures, d’avoir un permis de conduire de classe 4B, et à peu près toutes les compagnies de plein air vont vous engager. Ce que je prône, c’est la formation, la certification et le professionnalisme. Avec l’AGPTA, tous les membres qui veulent s’associer doivent répondre à des critères de professionnalisme et de formation minimale, qui sont au-delà des standards de base de l’industrie. On aimerait que le métier soit reconnu au même titre que n’importe quel autre métier et qu’il y ait un standard de certification, de professionnalisme et, forcément, des salaires qui vont y être rattachés.

 

 

Biographie – Jacob Racine

 

Jacob Racine est guide en tourisme d’aventure depuis 10 ans. Au fil du temps, il s’est spécialisé en expédition autonome de moyenne et longue durée dans tous les sports de plein air et plus particulièrement pour les expéditions nordiques. Formateur, consultant et conférencier, il a participé à l’émission documentaire Destination Nor’Ouest II lors de laquelle il a traversé l’ouest canadien sur 1600 km en canot d’écorce. Grand communicateur, il parcourt le Québec depuis 2009, pour faire la promotion de la persévérance scolaire. Impliqué dans le tourisme d'aventure depuis près de 10 ans, il est de ceux qui croient en la nécessité d’élever les normes de qualité et de promouvoir le professionnalisme chez les guides.

(Source : AGPTA)

 

Marie-Anne Dayé - Blogueuse Hotelleriejobs

«Marie-Anne Dayé est journaliste indépendante depuis près de deux ans. Lors d'un séjour en France, elle a écrit pour des médias tels que Rue89, Courrier International et l'Agence France-Presse. À son retour à Québec, elle a travaillé au journal Le Soleil et pige aujourd'hui pour divers magazines. On peut aussi la surprendre en train de nous servir un café, car elle est aussi barista!»